ET SI LA SANTÉ DU DIRIGEANT N’ÉTAIT PLUS UN TABOU ?

4 octobre 2023

On s’interroge beaucoup sur la santé des collaborateurs, peu sur celles des chefs d’entreprise, c’est un tabou. Il aura fallu attendre la loi du 2 août 2021, pour que l’on traite de la santé du dirigeant comme celle du salarié.

Comme tous les dirigeants, j’ai vécu des moments d’une tension extrême, à la suite d’une séparation douloureuse ou lors de la perte d’un gros client. On serre les dents, on a du mal à parler, on force son sourire pour rassurer ses équipes qui savent que “si leur boss tousse, c’est l’entreprise qui s’enrhume”. Pour d’autres, c’est un problème avec un associé ou le parcours du combattant de la levée de fonds pour les start-up.

Dans tous les cas, on ne sort de cet isolement qu’en échangeant avec d’autres, en s’entourant, en se libérant avec des coachs et thérapeutes spécialisés, en apprenant à mettre son ego et son “statut social” de côté. En 2019, avec le soutien du médecin préféré des Français Michel Cymes, nous avons créé avec des entrepreneurs, des entreprises et des thérapeutes de divers horizons, l’association +1nspire, pour sensibiliser à cette problématique parce qu’un “dirigeant qui inspire est un dirigeant qui respire”.

Ce lancement faisait suite à une étude menée avec l’université de Nantes auprès de 400 entrepreneurs, pour explorer le parallèle entre la santé économique de l’entreprise et celle de son principal responsable (32%). Parmi les critères étudiés, figuraient le niveau de stress, la capacité à s’entourer, à déléguer, à se déconnecter, la qualité du sommeil, la pratique sportive…

Sans surprise, nous avons constaté qu’un dirigeant fragilisé manque de recul, prend les mauvaises décisions, s’entoure mal, recrute mal, n’a plus de vision. Et qu’il peut mettre en péril son entreprise, notamment quand les problèmes professionnels découlent sur la vie perso et vice versa. Mais le pire, c’est que la plupart des entrepreneurs concernés sont dans le déni, sous-estiment la situation, n’en parlent pas et donc ne demandent pas d’aide. Jusqu’à aboutir à des situations fréquentes de burn out, voire de suicides.

Pour éviter cela, +1nspire a mis en place un outil d’auto-diagnostic pour que les dirigeants puissent se jauger et voir s’ils sont dans le rouge, une hotline anonyme, des événements et des ateliers de sensibilisation pour désacraliser la souffrance du dirigeant et libérer la parole. Nous avons co-produit le one woman show de Marie Guth qui raconte avec beaucoup de sensibilité ses difficultés d’ex-dirigeante. Les équipes de Disobey quant à elles s’engagent avec cœur pour recueillir des témoignages et faire connaître au plus grand nombre, cette organisation salvatrice qui n’a pas d’équivalent en France.

La santé du dirigeant est l’affaire de tous. Parlons-en autour de nous et soyons vigilants. Les amis, la famille, les conseillers, les collaborateurs doivent faire preuve de bienveillance vis-à-vis des entrepreneurs qui s’oublient, alors que leur santé fait partie du capital immatériel de l’entreprise. Ainsi, nous éviterons des drames, sauverons des entreprises et le pays gagnera +1 point de PIB.

Yannick Perrigot, CEO et Gardien du temple Disobey